"Ethique", "respect". Ces 2 mots veulent-ils encore dire quelque chose en matière de journalisme ?

J'ai le sentiment que certains journalistes foulent ces notions pourtant fondamentales, au profit de scoops & de quête d'audience.

Il y a très exactement une semaine, le vendredi 03 juillet 2009, coincée dans les embouteillages lyonnais (ah ! la joie des premiers départ de l'été... ) & j'écoute France Info en prenant mon mal en patience. Flash de 14.00 qui annonce que l'on a probablement localisé le lieu du crash de l'Air Bus 310 aux Comores. Information étayée, selon le journaliste, par une nappe de kérozène à la surface de l'eau, ainsi que, je le cite :

une forte concentration de requins !

Quelle meilleure preuve d'irrespect le plus complet vis à vis des familles de victimes, en majorité françaises ?  Après avoir donné un dramatique faux espoir de survie à ces même familles quelques jours plus tôt, parlant tantôt & aux mêmes moments sur différentes chaines radio & télé d'un petit garçon de 5 ans rescapé, puis d'une adolescente de 14 ans. Quand on sait aujourd'hui que l'unique personne rescapée était, en fait, une jeune fille de 12 ans.
Imaginez la douleur immense pour ces familles qui ont pu espérer de toutes leurs forces un instant qu'un de leur proche, correspondant aux informations données, pouvaient être ce supposé enfant de 5 ans toujours vivant.

Ce vendredi 03 juillet, on leur assène un nouveau coup violent, brutal, sans aucune pitié. En évoquant la présence inhabituelle de nombreux requins dans cette zone, quelles images ont traversé les pensées de ces familles à l'évocation de si sordides détails sur les conditions de la mort de leurs proches ?

L'éthique journalistique n'aurait-elle pas imposée de taire ce type de précisions qui en vérité n'apportent rien au public, si ce n'est glisser toujours un peu plus vers un modèle de société cruel, ne reculant devant rien pour se disputer les restes du moindre drame quand l'occasion se présente    

Le journaliste de France Info n'a-t-il tout bonnement pas été capable, lorsqu'il a rédigé son papier, de mesurer l'effet dévastateur d'une telle phrase aurait sur les gens concernés par le drame ?

S'est-il seulement posé la question des conséquences psychologiques de sa perite phrase assassine ?  a-t-il pris la peine de peser le pour & le contre, auquel cas il aurait finalement opté en toute connaissance de cause pour une information la plus racoleuse & nauséabonde possible ?  ou est-il enfermé dans son petit monde virtuel au point de ne plus voir que derrière une dépèche AFP se cachent la souffrance réelle d'êtres humains, au point de mépriser leur douleur ?

Dans le même état d'esprit, septembre 2008, un petit garçon de 3 ans a disparu dans la Drôme. TF1, par le biais de la journaliste Florence Schaal, annonce en direct au 20.00 de Claire Chazal la mort du petit Louis... qui a en fait bien été retrouvé, mais vivant !!!

Le besoin impérieux des médias visant à créer à tous prix l'illusion d'un flot d'informations perpétuel,  alors même que les sources ne sont pas vérifiées, se contredisent ou demeurent silencieuses a pour conséquence ce manque d'éthique & de respect.

Il s'agit finalement pour certains journalistes d'un manque de professionnalisme, de déontologie & d'humanité criants qui s'exprime par une habitude quasi-systématique de broder, de meubler pour tenir le téléspectateur, le lecteur ou l'auditeur en haleine, pour prendre de vitesse la concurence, coûte que coûte.

Tous les journalistes n'emploient pas ces méthodes bien sûr, & heureusement

Je veux croire qu'il subsiste des gens dignes & honnêtes, empreints de respect & conscients des ravages que leurs articles ou sujets peuvent causer. Cependant la part de ceux qui bafouent ces règles essentielles ne leur fait pas honneur & jette incontestablement l'opprobre sur toute une profession, pourtant indispensable à toute société