La petite noblesse de l’intelligence : une sociologie des enfants surdoués

Je vais aujourd'hui faire la critique du livre de Wilfried Lignier, sociologue, dont j'ai déjà parlé ici & lors d'interviews à la radio.

 

Ce bouquin, La petite noblesse de l'intelligence : une sociologie des enfants surdoués, sorti le 22 mars dernier aux éditions La Découverte, collection Laboratoire des sciences sociales m'a divisée :hypno:

 

Tout d'abord, présentation par l'éditeur :

 

Ce livre s'attache à dissiper le halo de mystère qui entoure la figure de l'enfant " surdoué ". D'où vient-elle ? Comment est-elle devenue, en France, sous le nom de " précocité intellectuelle ", une question éducative sérieuse et officielle ? Dans quelle mesure les psychologues reconnaissent-ils cette notion ? Et surtout : qui sont, qu'attendent et que font les parents qui ont aujourd'hui recours au quotient intellectuel (QI) pour attester la grande intelligence de leur(s) enfant(s) ?

A partir d'une enquête menée notamment auprès de parents, de psychologues et de militants associatifs, ce livre relie l'affirmation de cette petite noblesse de l'intelligence que constituent les enfants surdoués à un double contexte : le développement de pratiques psychologiques privées et l'augmentation de la concurrence au sein de l'école massifiée. De façon exemplaire, le cas des surdoués montre comment la psychologie clinique peut fonctionner comme une source légitime de singularisation des enfants dans les secteurs les plus indifférenciés de l'école (de la maternelle au début du collège). Cette singularisation a certes une fonction de réassurance pour des familles qui, bien que plutôt avantagées socialement, sont sujettes à de vives incertitudes éducatives. Mais on ne saurait ignorer les conséquences concrètes qu'a aussi l'anoblissement psychologique: l'institution scolaire se voit pressée d'accorder aux intelligences qui la dépassent les petits privilèges qui leurs sont dus.

 

L'auteur est sociologue, pas psychologue, ce qui diffère considérablement de la masse d'ouvrages d'ordinaire consacrés aux enfants surdoués & écrits soit par des psy, soit par des personnes directement concernées ;)
Il a donc une approche qui peut sembler hostile au surdouement (l'est-elle rellement, je ne pense pas. À mon sens il s'y est trop intéressé pour être tout à fait sourd aux difficultés réelles des personnes HQI à se faire une place dans un monde crée par & pour la norme générale :!: :?: ). Elle est en tous cas distante, dénuée d'empathie. Mais après tout, est-ce le rôle d'un sociologue d'être dans la sollicitude vis à vis d'un sujet qu'il étudie ?

 


Cliquez sur la couverture pour ouvrir les détails
de "La petite noblesse de l'intelligence"

 

 

L'introduction (d'une 10aine de pages) renforce réellement ce sentiment d'hostilité, voire de mépris. On se demande à quelle sauce on va être mangés, nous, vilains parents d'enfant HQI ou THQI... :( Il y a une certaine froideur, un recul, qui mettent parfois mal à l'aise & donnent le sentiment d'être de la famille d'une petite souris observée en laboratoire.
Mais le chapitre 1 (intitulé "La cause française de l'intelligence (1971 - 2005)" est passionnant !!! :up: J'ai adoré lire les débuts de Jean-Charles Terrassier, fondateur de l'ANPES, qui deviendra par la suite l'ANPEIP. Le chemin parcouru jusqu'à nos jours a été long & semé d'embûches, ce chapitre fourmille d'anecdotes qui nous font remonter le temps.

 

Pour la suite de l'ouvrage, il axe - fort logiquement - son étude sur la parole (sociale) des parents d'enfants doués, évoque une parole privée & un discours public, notant qu'il est question de (je le cite) "quasi-handicap", du rapprochement fait avec une maladie (dans l'idée, dans la considération).
Il y a de très nombreux entretiens avec des parents, mais aussi des enfants. Tous sont listés en fin d'ouvrage, avec le détail des diplômes & professions des parents ainsi que le détail du parcours des enfants. Tout au long du livre des extraits de ces échanges sont publiés, ce qui est très intéressant à lire en reprenant les informations listées en annexe 2.
La relation famille-école est elle aussi longuement abordée dans un chapitre au nom évocateur "Quand l'intelligence oblige l'école" ;)

 

Bref ce livre m'a beaucoup intéressée, mais aussi beaucoup agacée ! :oh:
L'auteur affirme par exemple que peu d'enfants HQI sont en réalité concernés par l'échec scolaire, contrairement aux chiffres données par les assos (à savoir 1/3 en échec réel, 1/3 obtenant des résultats très moyens, 1/3 en réussite réelle).
Se pose alors la question du regard des parents sur la "qualité" du travail de leur enfant. Comment définir la réussite ou l'échec ? Est-ce le même rapport à l'école selon que les parents soient diplômés du supérieur :arrow: 16 familles sur 17 !!!
En moyenne Bac+4... (ce qui n'est pas du tout le reflet de la population française globale)
- la moins diplômée parmi les 16 couples ayant fait des études étant une infirmière (Bac+3). Absolument tous les autres ont DESS, DEA, doctorat ou sont ingénieurs, médecins, experts-comptables
- le SEUL couple non diplômé est composé d'une mère sans aucun diplôme & d'un père avec BEP !

 

Rien que cela suffit à démontrer que l'échantillon n'est pas représentatif, car le surdouement se retrouve en fait parmi toutes les catégories socioprofessionnelles.
Ce qui va différer par contre, ce sont les moyens de détection (financiers notamment, culturels, familiaux), ainsi que le regard porté sur l'enfant HQI lorsqu'il est détecté. Et par là, l'importance accordée aux études, la présence des parents aux côté de l'enfant, les moyens donné à celui-ci pour réaliser son haut potentiel intellectuel.

 

L'auteur parle également du pouvoir des parents face à l'école (via les tests psychométriques) pour les sauts de classe, l'intégration dans des écoles spécialisées ou des classes de meilleur niveau. Nous savons TOUS ici que la réalité est bien éloignée, que nombre d'enfants HQI ou THQI galèrent, végètent, etc.
Petit paradoxe étonnant à ce sujet : en annexe 2, il détaille les parcours des enfants ayant témoigné ou dont les parents ont témoigné. Toujours 17 enfants au total :

- 7 enfants n'ont sauté aucune classe (au moment de l'enquête)
- 2 ont sauté deux classes
- 6 ont sauté une classe
- 2 sont prétendument en "cours de saut" (!) - on sait que les promesses d'accélération peuvent s'étaler sur plusieurs mois voire plus ds certains établissements scolaires peu enclin à bouger :-o

 

Ainsi, il y a une majorité d'enfants qui en réalité n'ont pas bénéficié de ce "pouvoir" dont il parle... De gros points de désaccord donc, d'autant que des choses comme ça, je pourrais en citer pas mal.
Mais l'ensemble du livre ne peut se résumer à ça & mérite malgré tout une lecture complète à mon sens !

 

À ma connaissance, totalement unique en son genre (à l'heure où j'écris ces lignes en tous cas ! :roll: Peut-être qu'après l'ouvrage de W. Lignier, d'autres sociologues se lanceront dans l'étude sociologique du haut potentiel intellectuel ?), ce bouquin donne une vision non consensuelle mais pas totalement inintéressante du surdouement.
Comme l'auteur l'écrit lui-même, il a tenté là une "approche à la fois critique & compréhensive".

 

À la question "D'où viennent les enfants surdoués ?", les sciences sociales ne peuvent sans doute pas répondre, tant qu'il s'agit de déterminer si la possession par un enfant d'un QI élevé renvoie à une réalité "naturelle" ou, au contraire, à une réalité "sociale".
Extrait de La petite noblesse de l'intelligence : une sociologie des enfants surdoués

 

 

 

 

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22 commentaires à “La petite noblesse de l’intelligence : une sociologie des enfants surdoués”

  1. olivhood dit :

    http://www.franceinfo.fr/education-jeunesse/question-d-education/qui-sont-les-enfants-surdoues-567681-2012-03-26

    voilà une interview qui m’avais donné envie de lire ce livre de par son angle d’approche sociologique.

    mais je ne le lirai pas de suite: je viens d’acheter deux livres après avoir parcouru l’onglet biblio, alors vu le prix je vais patienter un peu. et puis j’ai besoin de livres qui me parlent gentiment de ce que je suis pas de livres qui m’auscultent, bien que je suis totalement convaincu de l’utilité de la démarche.

    faut arrêter: je pense trop, 17€; l’adulte surdoué, 14.90€ ! Vu le temps passé à les lire ça fait cher de l’heure… Pour le même prix j’avais 6 heures de cinéma en 3d :-P

    du coup vu que je suis dans l’oise (clermont) je propose de les prêter à ceux qui seraient à la fois pas trop loin et intéressés.

  2. olivhood dit :

    à l’aide: quand on fait des fautes comment corriger une fois que c’est posté ?

  3. gene dit :

    ah , son discours m’énerve . Déjà , je fais pas partie de la classe moyenne et + . Mon mari est conducteur de car , niveau d’étude CAP et moi , j’ai un CFP niveau 4 et je suis femme au foyer . De 2 , il a l’air de dire que ces enfants sont poussés par les parents . ça c’est le sempiternel discours de l’éducation nationale . C’est une méconnaissance totale du problème . Le 1er à se poser des questions c’est l’enfant lui même !!!! C’est en réponse à ses questions et à son mal être et ses difficultés face aux autres qu ‘en en tant que parent , on en vient à faire tester son enfant . Pour mon cas j’ai choisi une autre démarche , passer par le pédopsychiatre. Les tests tout seuls n’apportent pas vraiment de réponse et surtout n’aident pas l’enfant à évoluer face aux difficultés qu’il rencontre . Il ne faut pas oublier que l’éducation nationale voit la précocité comme un handicap , ce qui est une aberration , c’est une composante de la personnalité , rien de plus, mais à trop vouloir faire rentrer les enfants dans le même moule , elle en fait » des enfants particuliers  » , si on peut dire , j’ai pas trouvé d’autres mots. C’est cette image qui met ses enfants dans une position intenable à l’école et c’est de là que découle leur mal être . La preuve , en vacances , ils vont bien et les mauvaises relations ne sont qu’exclusivement avec les autres élèves de la classe . Wilfried n’a aucun problème avec les 6 èmes , 4èmes et 3 èmes même si la plupart ne jouent pas avec lui . Juste avec les 5 èmes . C’est vrai que peu sont en échec scolaire , la plupart passe les classes , mais il faut être vigilant ca

  4. gene dit :

    grr , j’ai fait une erreur de frappe et aussi quelques fautes , veuillez m’en excuser , donc suite de ma phrase . il faut être vigilant car le décrochage scolaire peut être très rapide surtout si le rejet de la part des autres est grand ou si comme Wilfried , ils ont été harcelé . Je ne connais pas son livre , mais je trouve que dans son interview , il a beaucoup d’ a priori . Maintenant je suis d’accord sur 1 point , il ne faut pas idéaliser les HP, ni les diaboliser , non plus . Peut être faudrait il que l’éducation nationale reconnaisse tout simplement leurs capacités , leurs spécificités et arrête de les brider et d’en faire tout 1 fromage , mais pour le moment on en est loin et c’est pas près d’avancer . La directrice du collège devait se mettre en relation avec le pédopsychiatre de Wilfried , elle ne l’a toujours pas fait . Je n’ai à ce jour , toujours pas vu le doc scolaire qui devait mettre en place une équipe d’accompagnement , ce qui prouve bien leur mauvaise volonté . Seul point positif , ils laissent Wilfried travailler comme il l’entend et ne cherche plus à le faire rentrer dans le moule . Heureusement la fin de l’année arrive , encore quelques contrôles et comme chaque année , dès que l’on peut , on arrête . en principe , aux environs du 15 juin . ouf , 1 année de plus de passé !!! bonne journée

  5. gene dit :

    Bonjour, c’est Wilfried. On retrouve chez ce sociologue le point de vue arriéré typique de l’Education Nationale. On croirait entendre ma directrice. Les médias donnent une très mauvaise image des surdoués : il vont aller nous montrer  » l’inconscient  » si je peux dire, qui est allé ridiculiser les surdoués dans l’émission la plus stupide qui puisse exister, à savoir Secret Story. Ensuite, ce sociologue se trompe totalement sur les surdoués : on ne vient pas tous des hautes classes. Et il n’y pas que 7% des surdoués qui redoublent, c’est totalement faux. Dans ma classe, il y a un autre surdoué qui se permet de ne pas écrire, ( il a passé les tests ) mais ne comprend pas ce qu’il est et donc il n’évolue pas et pense qu’il est exceptionnel. Il y a aussi des sois-disant surdoués qui sont simplement poussés comme des malades par leurs parents. J’en ai connu un l’année dernière comme ça qui a sauté deux classes et dont la seule est l’activité, c’est étudier, étudier et encore étudier ! Pour finir, je voudrais dire à ce sociologue ( je me demande où il a eu ses diplômes celui-là ) que nous ne sommes pas des êtres à part, mais des enfants comme les autres. Si on prend l’exemple des sportifs de hauts niveaux, qui sont très valorisés, idéalisés et admirés en France, pourquoi n’aurait-on pas le droit d’avoir un haut niveau intellectuel ? Les personnes considérés comme de grands  » intellectuels  » sont souvent les philosophes, qui ne sont qu’un pur produit du système scolaire. Voilà, tous ça pour dire que les surdoués ne sont pas des extraterrestres.

    Et si je peux me permettre, le titre  » la petite noblesse de l’intelligence  » est très péjoratif et discriminatoire.

  6. Porte-plume dit :

    J’ai entendu l’interview sur France-Info, au début j’étais intéressée par l’idée d’une approche sociologique, mais le propos m’a rapidement agacée. Par exemple quand il soutient que la majorité des surdoués sont des garçons, alors qu’en réalité (si j’en crois ce que j’ai lu), les difficultés des garçons sont plus « bruyantes » et donc amènent à « consulter » beaucoup plus que pour les filles. Ce qui ne signifie nullement qu’il y ait moins de filles à HPI.
    C’est facille de prendre des chiffres et de leur faire dire ce que l’on veut, avec un peu d’habileté et de savoir-faire. Mais ce n’est pas honnête intellectuellement, ce qui me met en colère.

    • Taratamtam dit :

      Tout à fait d’accord avec vous.

    • Bobby dit :

      Excusez-moi, mais c’est votre propos qui est agaçant puisque vous lui faites dire totalement l’inverse de ce qu’il dit : il pointe justement que la proportion de 75% est le produit du fait qu’on cherche bcp plus fréquemment à détecter les garçons. Ce qui est vrai. Et il ne dit pas qu’il y a plus de garçons surdoués « en soi ». Don effectivement, c’est facile de faire dire ce qu’on veut aux chiffre, c’est ce que vous faites en l’imputant à Ligner.

  7. Taratamtam dit :

    On nage en plein dans les clichés habituels (qui font tant souffrir les interessés, enfants précoces et adultes surdoués).
    Il s’agit de nier la spécificité de l’enfant, (ce qui est, entre parenthèse un travers de l’école en général) et de nier la réalité du diagnostic, voire de suspecter les interessés d’avoir monté le coup de toutes pièces à l’intérieur d’on ne sait quel complot pour l’obtention d’on ne sait quel privilège dérisoire. Ce sont des accusations très graves à mes yeux. Les enfants précoces sont amenés à consulter non pas parce qu’ils vont mieux que les autres, mais parce qu’ils vont moins bien. Parfois meme très mal et le diagnostique de la précocité devient un élément important pour la thérapie.

    La manière dont il approche la précocité sous entend en permanence qu’elle n’existe pas. Je ne ferai pas de commentaire là dessus. On reconnait aisément qu’il existe des déficients mentaux, mais la surefficience est taboue.

    Parle-t-on seulement de « privilèges », de « noblesse » ou de caste pour les enfants qui sont en IEM ? Remet-on en question leurs spécificités cognitives ?

    Jamais, me semble-t-il, car il s’agit chez eux d’une particularité qu’on peut regarder avec condescendance et commisération, et que personne ne se sent menacé dans son autorité académique par quelqu’un catégorisé comme « déficient ». Ce qui est différent face à des surefficients, qui dérangent semble-t-il, car contrairement à ce qui est dit ici, les surefficients ne sont issus d’aucune classe sociale particulière (ce qui n’est pas le cas de ceux qui suivent de hautes études, en général, qui sont largement issus de la meme couche de la société)

    J’ajouterai peut etre un peu perfidement, mais sans grand risque de me tromper, que ce monsieur entretetient un rapport d’attraction/répulsion avec les surdoués qui ne doit pas etre sans rapport avec le résultat de ses propres tests.

  8. clmasse dit :

    Ce que veulent les parents de EIP? Simplement qu’il s’épanouisse, qu’il n’ait pas d’échec scolaire, qu’il ne soit pas rejeté, et surtout qu’il comprenne qui il est et pourquoi il se sent si différent. Bref, il veulent soulager sa souffrance psychologique. Ils n’ont pas besoin de « privilège » à la l’école, c’est la société tout entière qui a intérêt à faire cesser cet énorme gâchis, dont la raison, n’en doutez pas, est que la surdouance éclot indifféremment dans tous milieux sociaux, ce qui est ressenti comme une injustice dans les classes les plus favorisée.

  9. shararouge dit :

    Bonjour,

    Il y a pas male de commentaires sur cette livre…..A mon avis la vrais raison de la publication de ce livre c’est de l’argent…Actuellement c’est très « à la mode » de parler, d’écrire, de faire des documentaires,donner des conférences sur les enfants douées (comme les appelle A.Adda , j’ai beaucoup de respect pour elle) ,mais malheureusement il y a des gens qui profitent la situation:ils se fichent complètement de vous, de moi, de nos enfants , leurs but premier c’est de faire de l’argent.
    Un SOCIOLOGUE qui a écrit sur les enfants douées, a mon avis , il n’est pas bête, ce garçon ….Chapeau!!!Je voudrai bien savoir combien d’argent il a ramassé…

  10. Eurisko dit :

    Bonjour à tous,

    Pour répondre au commentaire précédent, les éditions la Découverte tirent rarement au-delà de 3000 exemplaires pour un ouvrage de sociologie. Leurs « best-sellers » sont réédités, au maximum trois fois (je songe à certains « Repères » publiés à la Découverte que j’ai en ma possession, il faudrait voir dans le détail). Pierre Mercklé, dans les commentaires de cet article (http://coulmont.com/blog/2011/04/06/chiffres-de-vente-1/), affirme toucher environ 300 euros par an de droits d’auteur pour l’un de ses livres, paru dans cette maison d’édition. Il faut savoir que sa Sociologie des réseaux sociaux se vend bien, pour un livre de sociologie. 300 euros par an, l’Eldorado ? Merci d’éviter les procès d’intention.

    Du reste, à la lecture des commentaires et des remarques de l’auteur(e ?) de la recension du bouquin de Lignier, deux choses me viennent à l’esprit.

    Déjà, opposer des contre-exemples individuels à une observation statistique, sur le mode de l’anecdote, n’invalide pas cette dernière. Pas davantage que les généralités sans fondement statistique.

    Ensuite, je pense qu’il ne faut pas oublier que ce sociologue s’intéresse à des pratiques sociales, ou plutôt à plusieurs pratiques sociales (faire tester ses enfants, passer une classe, intégrer une classe pour « enfants précoces », etc.). Ces pratiques sont hautement distinctives, au même titre que les pratiques culturelles ou scolaires. Les enfants d’enseignants bénéficient souvent de parcours scolaires soigneusement aménagés par leurs parents, soucieux de reproduire une certaine position dans l’espace social et le capital culturel et scolaire qui va avec. Il faut donc passer par Henri IV et les grandes écoles. Ce qui est intéressant dans le livre de Lignier, c’est qu’il montre bien comment d’autres pratiques sont opposées aux pratiques scolaires de cette bourgeoisie intellectuelle qui doit tout à l’école, par des parents dont les revendications anti-égalitaires trouvent écho dans la critique du collège unique et plus généralement, dans les discours actuels sur la performance, le culte de « l’originalité », etc. Il en résulte de nouvelles hiérarchies, prétendument plus proches d’une bien mystérieuse réalité biologique.

    Si les hiérarchies scolaires traditionnelles s’écroulaient pour laisser place à une école réellement égalitaire où tous les enfants pourraient s’épanouir, j’en serais ravi. Si elles doivent être remplacées par cette idée fumeuse selon laquelle l’intelligence serait distribuée, dans une population donnée, conformément à une loi normale…

    Il ne faut pas oublier ce que cette idée doit au développement d’outils de mesure des populations censés servir l’État (et de plus en plus, le marché). Les bouquins d’Alain Desrosières sur la question me paraissent extrêmement intéressants. L’État, grand diviseur et grand pourvoyeur de titres de reconnaissance derrière lesquels nous courons tous, comme si notre bonheur en dépendait. Si intelligence humaine il y a, elle est collective et doit rester un outil d’émancipation, pas de distinction stérile. Il y a quelques siècles, l’homme le plus intelligent du monde (j’emploie volontairement une formule que je trouve quelque peu absurde) s’appelait Kant ou Spinoza ou Newton. Aujourd’hui, si je m’en réfère aux tests psychométriques et au livre des records, il s’agit d’individus dont le seul mérite est… d’avoir passé des tests psychométriques. Il y a d’autres, bien d’autres alternatives que « hiérarchie scolaire ou hiérarchie des tests psychométriques ».

    Courage tout de même. Pour me livrer un peu, j’ai eu un parcours scolaire en dents de scie (sauts de classes et redoublements). J’ai aussi peu confiance dans les hiérarchies actuelles que dans les futures. C’est ma seule certitude.

    • Rainbow dit :

      L’intelligence est ce qui différencie l’humanité du reste de la Nature. Un caillou ne pense pas, pas plus qu’une salade, une moule ou un papillon. L’intelligence, cette chose merveilleuse que seuls les êtres humains possèdent et qui leur a permis depuis l’aube de l’humanité à fabriquer des outils avec de simples silex, puis avec du métal, à maîtriser le feu, à modifier leur environnement par l’agriculture, à construire les pyramides, à créer le moteur à explosion, à maîtriser l’électricité, à envoyer des hommes sur la lune, des sondes dans l’espace, à fabriquer la bombe atomique, à découvrir le vaccin contre la rage, à élaborer la théorie de l’évolution, à débusquer le boson de Higg, à démontrer que E=mc2, à composer les grandes symphonies ou les airs d’opéra, à peindre la grotte de Lascaux ou la Chapelle Sixtine, à trucider son prochain dans les chambres à gaz, à inventer le capitalisme ou le communisme, à soigner le cancer ou éradiquer la variole, à peindre la Joconde et les Nymphéa, à inventer le racisme et l’esclavage, à apprendre à Lire à écrire et compter, à conceptualiser des abstractions très poussées….
      Et parmi toute cette profusion de « symptômes » ou de « preuves »ou encore « d’expressions » de l’intelligence, un jour quelqu’un à inventé un test permettant de « mesurer » celle-ci chez chaque individu. Depuis, les tests ont été affinés et pensés pour s’affranchir au maximum du contexte socio-culturel. En exagérant un peu, un pygmée pourrait passer le même test qu’un parisien du 16è sans que les résultats soient par trop absurdes,même si dans les faits c’est évidemment plus compliqué mais je schématise: on ne décrètera pas qu’un pygmée est stupide s’il n’a jamais entendu parler de Victor Hugo, on prendra tout simplement en compte le fait que son contexte socio-culturel ne lui a pas donné accès à cette information.
      Les statistiques (encore un symptôme de l’intelligence humaine) montrent que l’intelligence humaine se déploie selon une courbe de Gauss, la majorité d’entre eux, plus de 50 pourcents, atteignant des scores entre 85 et 115 sur l’échelle de Wecshler et une part moins importante se distribuant aux « extémités » de la courbe, soit en dessous de 80, et plus bas encore à 70, 60….(et ceux-ci sont qualifiés sans le moindre problème par la majorité moyenne de « débiles mentaux », « de handicapés mentaux » de « limités » « d’idiots » de « stupides » de « déficients mentaux ») soit en dessus de 125 et plus haut encore, 10, 140, jusqu’à 160 et son qualifiés par la majorité moyenne selon le contexte soit de « prétentieux », de « pédants » et de « feignants chanceux » soit de « doués », « surdoués », « EIP », « précoces », « HQI » ou « THQI » selon que l’on soit informés ou non de l’existence des tests psychométriques et convaincu ou non de la valeur ou de la validité des mesures effectuées par leur intermédiaire. Il ne s’agit en rien « d’une idée fumeuse » ou alors, mettez-vous aussi en doute les mathématiques (encore un symptôme de l’intelligence humaine) et en particulier les statistiques?
      J’insiste sur le fait que les tests psychométriques ne prétendent pas « hiérarchiser » l’intelligence des êtres humains loin s’en faut: ils ne mesurent réellement que les capacités d’abstractions, de raisonnement, la mémoire immédiate et la mémoire à long terme. Ils ne prennent évidemment pas en compte les composantes culturelles, sociales, l’imagination, la créativité, l’expression artistique … la liste est longue.
      Mais c’est JUSTEMENT parce que ces tests sont affranchis le plus possible de tout cela qu’ils ont une validité universelle, même s’ils demeurent évidemment perfectibles et réducteurs sur certains plans.

      Il est connu dans la littérature, qu’un pourcentage (encore un symptôme) non négligeable de personnes HQI possèdent des troubles neurologiques associés, tels que dyspraxie, dygraphie, dysphasie ou des troubles de l’apprentissage tel que dyslexie, dysorthographie, dyscalculie… qui sont liés à leur potentiel intellectuel élevé. Des neurologues ont admis ces faits et il apparaît que lors d’IRM fonctionnelles, certaines zones du cerveau d’un HQI sont actives alors que chez un individu issu de la « majorité » moyenne » elles ne le sont pas et vice versa. Sans que l’on sache encore pourquoi, c’est un fait, c’est comme ça. (Ce n’est pas parce qu’on ne connaissait pas l’existence des microbes au moyen âge qu’ils n’existaient pas) Donc puisque c’est comme ça, pourquoi ne pas le reconnaître? Mettez vous en doute ce que montrera une IRM fonctionnelle sur un déficient mental? Je ne le crois pas….

      Alors que faire d’un petit garçon de 7 ou 8 ans à l’école qui possède une connaissance quasi encyclopédique sur des sujets que l’on n’évoque pas avant l’université? Que faire d’un tel petit garçon qui n’est pas capable suite à sa dysgraphie d’écrire une simple phrase en moins de trois quart d’heure là ou ses camarades on écrit tout un paragraphe et ont entamé un nouvel exercice? Que fait d’un petit garçon qui ne tient pas correctement sa fourchette et faire ses lacets mais qui est capable de s’apercevoir d’une erreur involontaire de la part de son instituteur et de la corriger?
      Que dire à un petit garçon malheureux qui refuse d’aller à l’école apprendre BA- BE -BI-BO-BU quand tout ce qui l’intéresse c’est l’histoire des sciences ou la mythologie grecque? Que dire pour consoler un petit garçon qui n’arrive pas à noter sa dictée dans les temps alors qu’il sait appeler parfaitement tous les mots?
      N’est-il pas légitime de demander un plan d’accueil personnalisé à l’école? des exercices à trous? de tolérer qu’il mange avec ses doigts à la cantine? Qui réponde oralement là où les autres répondront à l’écrit? qu’il utilise un ordinateur portable là ou les autres utiliseront un stylo? Est ce que le fait d’avoir « une originalité prétendument proche d’un réalité biologique » doit le pénaliser toute sa vie, lui qui veut devenir scientifique depuis qu’il a eu 2 ans et qui ne pourra pas y parvenir s’il « échoue » à l’école alors qu’il en a les capacités intellectuelles? Est-ce si perturbant pour vous qu’un enfant ai un QI plus élevé que le vôtre? Vous sentez-vous soulagé ou content devant un enfant au QI déficient? Comment croyez-vous qu’un petit garçon réagisse lorsqu’il sent tant de rejet et de ressentiment inconscient dans l’esprit d’un adute de « la majorité moyenne »….il est malheureux et se sent incompris et il sait avec une lucidité accablante déjà pour son âge que parfois « cela ne sert à rien d’essayer de faire comprendre à certain, parce qu’ils ne le peuvent pas ou ne le veulent pas ». C’est ce genre d’attitude qui pousse nombre d’enfants HQI à décrocher du système scolaire et à mettre un couvercle sur le rêve d’études supérieures, c’est ce genre d’attitude qui conduit à des dépression et des phobies scolaires chez des adolescents.

      L’intelligence n’est pas plus collective que la distinction n’est stérile et la véritable égalité à l’école serait de donner à chacun les moyens de progresser et d’apprendre en prenant en compte la réalité biologique et sociale de chacun. Il ne viendrait à l’idée de personne de faire apprendre la physique quantique à un déficient mental, alors pourquoi est-il si normal d’obliger un enfant qui sait lire à 4 ans et qui a appris tout seul à rester à la maternelle et à attendre l’âge « officiel » de 6 ans pour aller au CP et se supporter la méthode semi-globale d’apprentissage de la lecture ou « Toto mange sa soupe et Papa tape Toto » quand il a déjà lu tous les Harry Potter et feuillette science et vie junior aux toilettes?

      A mon sens, les hiérarchies scolaires et sociales que vous évoquez sont n’incitent effectivement à la confiance, mais là, on tombe dans un discours immédiatement politique. Votre façon de voir les choses, sans véritablement « choisir votre camp » sans autre certitude que la méfiance ou la contradiction sont votre « originalité » à vous.

  11. shararouge dit :

    Bonsoir,

    Merci pour votre réponse .

    « La Découverte a réalisé en 2011 un chiffre d’affaires net de 5,150 millions d’euros. » Pas mal….

    Vous savez mieux que moi, que pour un jeune sociologue « se faire un nom  » n’est pas facile. Comme je l’ai déjà dit , je n’ai rien contre le fait de vouloir « se faire connaitre », mais par contre , comme je l’ai toujours dit à mes enfants : » Si vous faites quelque chose , faites le bien ou ne le faites pas ». A mon avis, son ouvrage manque de travail et de fondements solides.

    • Edward dit :

      Il faut dire qu’il est normalien !
      Lignier fait parti du système, un système ou il arrive parfois que le militantisme égalitarien défausse certaines thèses. Il est dommage qu’aveuglés par leurs convictions militantes des sociologues s’engagent et oublient de garder une certaine distance avec leur sujet.

  12. Jean dit :

    Bonjour !

    Non, Lignier ne considère, si ma mémoire est bonne sur ce point (ma lecture de La petite Noblesse de l’Intelligence remonte à mai 2012…), que les enfants qui ont été « effectivement » diagnostiqués « surdoués »…

    Je suis né d’un père ouvrier « géomètre » (en fait, au moment de ma naissance, mon père était déjà chef de projet) et d’une mère employée « secrétaire ». (Au moment de commencer, mon père avait un niveau « CAP géomètre » et ma mère un BEC (Brevet d’études commerciales) « option secrétariat…) Ce n’est qu’une fois adulte, vers l’âge de 40 ans, que j’ai été diagnostiqué : ce jour-là, on m’a associé un THQI ; mon père et ma mère ont probablement commencé à se douter de ma précocité lors de mon entrée en école élémentaire mais, bien qu’à la fin du premier trimestre de ma classe de sixième, mon professeur de mathématiques ait fait part à ma mère du sentiment qu’il avait à l’égard de ma capacité de compréhension, ni mon père ni mon mère ne m’ont jamais fait tester… Pourquoi ? Il est vrai qu’à l’époque la question se posait encore peu… Cependant, 150 euros, pour une mère ou un père d’enfant à haut potentiel comme j’en vois en lycée professionnel, c’est déjà cher… (Récemment, j’ai eu l’occasion de parler de ça avec un psychiatre réputé, plusieurs fois concerné par le sujet, mais dont je tairai le nom… La réponse de ce dernier fut : « Il faut bien qu’il y ait des critères… » Quoi ? Comment ? Ce « psy » n’est sans doute pas issu d’un milieu modeste…) Beaucoup des parents des élèves de lycée professionnel sont sans emploi, certains ne savent même pas lire le français… (40 % des élèves du lycée professionnel où je travaillais étaient boursiers, etc.) À qui pensez-vous, dès lors, que profitent les diagnostics de précocité intellectuelle ? Majoritairement, aux parents qui ont les moyens (financiers mais non seulement, car il faut aussi ne pas être ignorant ou être convaincu (sinon, persuadé) de ce que la qualité et la quantité d’intelligence ne dépendent pas de l’origine sociale… En outre, lorsqu’on a un niveau d’instruction plutôt bas, on a tendance à se sous-estimer sur le plan intellectuel (bien qu’instruction ne rime pas nécessairement avec intelligence)…

    Enfin, Lignier reste prudent jusqu’à la conclusion quant à savoir si l’existence d’enfants diagnostiqués « surdoués » recouvre une réalité naturelle ou, seulement, sociale : Il reconnaît carrément que ce n’est pas au sociologue de trancher, que c’est bien le biologiste qui a la compétence de le faire.

    Il faut vraiment lire son livre, mais en ayant toujours à l’esprit que c’est une étude sociologique. (En ce cas uniquement, on pourra apprécier à sa juste valeur la qualité scientifique de cet ouvrage.)

    Le premier chapitre est surtout intéressant, je crois, parce que l’auteur y montre bien comment on a abandonné le « registre politique », au profit du « registre psychologique »… Et ça me suffit à expliquer (assez bien, toutefois) pourquoi j’ai souvent éprouvé de la déception et un ennui important à l’égard des gens que je rencontre lors des réunions d’adultes (censément) « surdoués ». (Souvent, ces personnes n’ont pas eu l’avis d’un professionnel sur leur intelligence ou, si elles ont eu un avis positif d’un professionnel sur leur intelligence, elles se retrouvent à travers les difficultés ou la question de l’hypersensibilité… Et le « surdon » dans tout ça ? Certains chercheurs estiment que 20 % de la population montrent une hypersensibilité… Doué en dessin, en mathématiques, pour les langues, la musique, etc. Et ne me parlez pas d’intelligences multiples ! On n’a pas attendu Gardner pour savoir, par exemple, que les aires 45 et 46 de Brodmann jouent un rôle essentiel à propos du langage (ordinairement (ou « notamment ») celles de l’hémisphère gauche)… (D’autant que le découpage de l’auteur des Frames of Mind est grossier et est, vraisemblablement, à l’origine de la non moins fameuse théorie du « cerveau-droit/cerveau-gauche » (et peut-être, par extension, à l’origine de celle du « cerveau-féminin/cerveau-masculin »)…) Et sa « théorie » ne s’oppose pas à la thèse d’un facteur général d’intelligence ; en effet, on pourrait penser que la différence entre une personne « surdouée » et une personne d’intelligence moyenne s’explique entre autres par une différence de myéline. (Trois gènes codent pour les protéines qui interviennent dans le maintien de la myéline du système nerveux central, sept pour les protéines qui interviennent dans le maintien de la myéline du système nerveux périphérique ; la sclérose en plaques est due à de « mauvais » allèles codant pour certaines des protéines intervenant dans le maintien de la myéline du système nerveux périphérique : on pourrait penser que les personnes « surdoués » ont des allèles extraordinaires codant pour les protéines intervenant dans le maintien de la myéline du système nerveux central (ou certaines d’entre elles)…) Il y a aussi peut-être des choses à regarder du côté des astrocytes… (Il me semble qu’il est intéressant de savoir qu’astrocytes, oligodendrocytes et neurones ont la même cellule « souche »…)

    P.-S. : Vous m’excuserez, si je me trompe… Encore une fois, j’ai lu ce livre peu de temps après sa parution et je ne me fie qu’à mes souvenirs.

  13. petite plume dit :

    Bonjour,

    Déjà rien que le titre m’énerve: la petite noblesse de l’intelligence! Ca donne l’illusion de personnes prétentieuses. Or c’est l’inverse on n’aime pas les termes de haut potentiel ou précocité! Le titre donne également l’impression qu’on serait heureux, ce qui n’est pas toujours le cas!
    Enfin, il a l’air de penser que les parents font passer des tests neuropsy à leurs enfants uniquement par fierté et pour faire sauter des classes (si je ne me trompe pas). Or beaucoup d’enfants et d’adultes passent ces tests pour enfin comprendre leur mal etre, leur sentiment d’être différent. Je pense que s’il connaissait mieux le sujet, il n’aurait pas cette approche là. 9a me fait froid dans le dos quand je vois qu’on publie ce genre de bouquins! Desolée d’être aussi cash mais quand on voit tous les clichés négatifs qui circulent sur la précocité…

  14. Sociologue et maman de zèbres dit :

    Bonjour, je sais que le billet est vieux, mais je me permets d’apporter quelques élémentaires et commentaires aux commentaires et dans une moindre mesure au billet.
    La sociologie adopte une posture particulière quand elle étudie les faits sociaux. Cela fait paraître souvent froid et distant, voire méprisant (de l’avis même des étudiants de première année qui découvre la discipline). C’est une posture professionnelle tout comme celle du corps médical qui « blague » de manière peu convenue.
    Ceci dit, ce livre m’a aussi fortement énervée. La principale limite de cet ouvrage est le mode de recrutement des enquêtés : en passant par une association nationale, reconnue – et qui s’affirme comme telle – pour avoir réalisé un lobbying auprès des instances scolaires, les profils socio-démographiques enquêtés et les motivations des membres de cette association sont trop homogène pour refléter l’ensemble des réalités vécues dans les familles zébrées.
    Wilfried Lignier nous donne à voir et à comprendre une partie de ce qui se joue dans les relations avec l’école, et dans la reproduction sociale, des familles zébrées.
    Mais en effet, il existe tout un tas de familles, « discrètes » aux yeux des associations, qui n’ont pas effectué de démarche de dépistage et qui l’apprennent plus ou moins par hasard, etc. Ces réalités là ne sont pas celles qui sont enquêtées dans ce livre. Cela n’amoindrit pas, au contraire, le travail de ce sociologue, mais il faut se rappeler que cela donne à voir un aspect seulement, qui est bien réel. Lorsque l’on fréquente d’autres familles zébrées, on s’aperçoit bien qu’il y a plusieurs niveau de discours, de projections, d’attentes et d’espoir lié aux zébrures. Les livres de psychologie qui font référence, y compris dans ce blog, abordent tous la question des parents qui veulent que leur enfant réussisse et d’autant plus puisqu’ils sont zébrés… C’est cet aspect là qui est étudié par ce sociologue et il est donc extrêmement banal de ne pas se reconnaître totalement dans les analyses qu’il produit. Ce n’est pas de cas particuliers que la sociologie parle, mais de cas généraux qui « en vrai » n’existent pas tels quels.
    Il n’en reste pas moins que certains éléments de cet ouvrage sont extrêmement enrichissants, comme l’histoire / la construction sociale de ce problème, la mise en évidence d’un malaise social lié à l’incertitude de la reproduction sociale pour les classes favorisées.

  15. Bobby dit :

    Au regard du texte, mais surtout de l’hostilité de nombre de commentaires à l’égard du bouquin, il me semble nécessaire d’apporter quelques précisions.

    La principale, c’est que Lignier fait œuvre de sociologie et que, en quelque sorte, savoir s’il existe « réellement » des surdoués, ça n’est à la limite pas son problème. En revanche, il s’inscrit dans une analyse du diagnostic (lequel est en partie indépendant de la réalité de la douance) et des usages sociaux qui en sont faits.

    Faire la sociologie du diagnostic, ça me paraît extrêmement important, déjà parce que quoi qu’en pensent certains, en dépit de la « réalité » du phénomène, il apparaît déjà extrêmement discutable de considérer que les outils de diagnostics actuels permettent de s’assurer avec certitude de la réalité : ces outils de diagnostic, c’est toujours avec une grande prudence qu’il faut les utiliser et les considérer. Et rien que parce que cette prudence nécessaire n’est pas toujours de mise chez les surdoués et leurs familles, ça vaut la peine de le rappeler.

    Ensuite, l’idée de « diagnostic » social, c’est simplement dire qu’il y a des conditions sociales qui expliquent que l’on va diagnostiquer ou non un individu. En gros, à condition d’admettre qu’il est possible d’objectiver ce qui est un « vrai » surdoué, on peut dire qu’il y a dans la société quatre cas de figures, dont l’enjeu est réel pour les 3 premières catégories :
    le « vrai » surdoué, diagnostiqué comme tel (1)
    le « vrai » surdoué, non diagnostiqué comme tel (2)
    le « faux » surdoué, diagnostiqué comme tel (3)
    le « faux » surdoué, non diagnostiqué comme tel (4)

    Réaffirmer cela, ça me semble important, et je crois qu’on n’aurait du mal à contester que, oui, les cas 2 et 3 sont des cas réels et potentiellement problématiques. Par exemple, je trouve ça embêtant de se choquer du propos selon lequel la plupart des surdoués diagnostiqués sont originaires de milieux favorisés, puisque ça ne discute pas une seconde du fait qu’il existe des surdoués dans ces milieux, mais ça PROUVE en revanche qu’un surdoué de milieu populaire a moins de chance d’être diagnostiquer.

    Après, il y a la question des usages sociaux. Par exemple, Lignier indique que la légitimation du diagnostic sert à légitimer l’obtention d’avantages. Alors, soit on lit ça comme une attaque, en s’offusquant « Mais comment ça ??? ce sociologue veut-il qu’on ne prenne pas en compte les spécificités de ces enfants ??? ». Alors que, non, ça n’est pas ça qu’il faut comprendre. Ce qu’il faut comprendre c’est que, oui, on peut se réjouir que la meilleure connaissance de la douance amène à une meilleure adaptation aux spécificités des surdoués. Mais, parallèlement, une telle affirmation ne met-elle pas de côté qu’on ne s’adapte pas toujours bien aux spécificités des autres ? En fait, derrière, il y a une conception du surdoué comme étant « différent » qui oublie que les autres aussi sont « différents ». Je suis personnellement choqué que des surdoués, supposément empathes, capables d’avoir une vision globale des choses, aient du mal à saisir qu’il y a une forme d’injustice à ce qu’on s’adapte à leurs spécificités, d’abords à ceux d’entre eux les plus favorisés, mais qu’on s’adapte finalement peu à celles des autres. Parce que, si l’on connait un minimum l’école, on peut se rendre compte assez facilement que les surdoués sont loin d’être les plus malheureux en termes de non prise en compte de leurs spécificités, même s’il est vrai que c’est loin d’être parfait en la matière.

    Enfin, pour l’auteur, sur votre commentaire « L’auteur affirme par exemple que peu d’enfants HQI sont en réalité concernés par l’échec scolaire, contrairement aux chiffres données par les assos (à savoir 1/3 en échec réel, 1/3 obtenant des résultats très moyens, 1/3 en réussite réelle). » et sur sa suite, relative à son échantillon.

    Ma remarque, c’est d’abord de vous questionner sur la méthodologie des assos. J’ai déjà vu que vous citiez ces chiffres, mais je ne sais pas de quelle méthodologie ils viennent, ni même s’ils viennent réellement d’une méthodologie. Ce qui est sûr, c’est que Lignier donne la sienne. Et, avec toute donnée quanti, ce qui est essentiel c’est de savoir comment les chiffres sont construits. Bref, ces « trois tiers », je veux bien croire qu’ils aient une réalité, mais en l’état, sans plus de précisions, j’y accorde un maigre crédit.

    Et puis, sur la « représentativité », je dirais que, par définition on ne peut pas l’atteindre : il faudrait pour cela que les individus soient diagnostiqués de manière représentative, et je crois que l’ouvrage apporte assez d’éléments à ce propos pour être convaincu que ça n’est pas le cas.



:) :-D 8) :oops: :( :-o LOL :-| :-x :-P :-? :roll: :smile: more »

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