Tout & son contraire, ou comment résumer les paradoxes de la douance

La douance (autrement dit le haut potentiel intellectuel, la précocité intellectuelle, la surefficience intellectuelle, le surdouement, ... Bref, tout autre synonyme possible renvoyant vers une même définition) est bourrée de paradoxes :)

 

Si on devait l'illustrer par une maxime, ce pourrait être "Tout & son contraire" :-P

 

C'est sans doute ce qui rend la notion de haut ou très haut QI si compliquée à faire comprendre lorsqu'on en parle : la réalité de la figure du surdoué est souvent bien plus complexe & nuancée que les premières impressions qui germent instantanément dans l'esprit de notre interlocuteur.

 

S'il est un grand paradoxe, c'est par exemple celui lié à l'idée qu'un HP (pour Haut Potentiel) n'a pas à recevoir d'aide. Pis encore, lui tendre la main serait une preuve qu'il/elle n'est pas un "vrai surdoué" (expression qui se fait entendre en ce moment, tristement d'ailleurs). Car voyez-vous,
"l'intelligence, c'est l'adaptation".

 

En conséquence de quoi, s'il/elle est tellement intelligent(e), il/elle devrait s'adapter bien évidemment, & non pas emmerder tout le monde avec des aménagements, avec un traitement spécial, avec une considération particulière, etc. :-?

 

Combien de fois les parents d'EIP ont-ils eu droit à cette remarque déplorable, sonnant comme une leçon qui leur est donnée, toujours de la bouche de personnes étrangères à la douance. Et pour cause : quiconque au fait de ses spécificités sait combien ce point est hautement paradoxal, & ne se risquerait donc pas à objecter un argument aussi bancal :!:

 

Oui l'intelligence, & surtout son évaluation par le biais de tests psychométriques, est liée à la notion très importante d'adaptation. Savoir utiliser ses capacités cognitives pour résoudre un problème, apporter une solution efficiente, va définir ce que nous désignons comme "intelligence".

 

Mais il ne faut pas confondre l'adaptation face à un challenge intellectuel (quelle que soit la sphère à laquelle il appartient), c'est à dire la manière de mettre en œuvre des idées originales pour répondre de la meilleure manière possible, & l’accommodement face à l'ennui profond dans la vie de tous les jours :down:

 

Quand on oppose cette idée d'adaptation à un enfant ou un adulte (T)HPI, on lui reproche en réalité de ne pas se contenter de ce qui convient parfaitement aux autres, en agitant vigoureusement le terme d'adaptation qui est alors détourné de son sens :(

 

Si on pousse le raisonnement dans cette direction, il n'y aurait donc aucun sens à se préoccuper des surdoués, puisque "les vrais" (comprendre par là ceux qui s'adaptent & ne font pas de vague) vivent leur vie, & "les faux" (ceux qui n'arrivent pas à s'adapter) seraient, de ce fait, non-surdoués. Et ce car l'intelligence irait de pair avec les capacités d'adaptation 8-O

 

On peut aussi croire qu'un enfant est parfaitement bien dans ses baskets, qu'il est adapté à son environnement, parce qu'il fait tout ce qu'il faut pour le laisser croire à ses parents, qu'il protège, à ses enseignants, avec qui il ne veut pas d'histoire. Et se rendre compte, au hasard d'une lecture d'un texte qu'il a écrit, ou d'une confidence, qu'il n'en est rien :cry:

 

Les filles (T)HPI sont très fortes à ce jeu là (voir ce billet si le sujet vous intéresse), mais il est aussi des garçons trop sages en apparence, trop discrets qui parviennent à faire illusion pendant des années !

 

 

Autre paradoxe qui déroute souvent jusqu'aux parents : la cohabitation d'une immense intellectualisation d'une part, & d'autre part d'une terrible affectivité :hearts:

 

La première facette amène à cogiter sur les plus infimes choses du quotidien, avec un besoin de tout analyser, de comprendre, de décortiquer encore & encore. La deuxième facette entraîne curieusement des élans, que dis-je, des réactions spontanées, épidermiques & même, irréfléchies.

 

On pourrait légitiment penser que ces 2 côtés, très cérébral, & à l'inverse à fleur de peau, ne peuvent s'exprimer chez une même personne tant ils semblent antinomiques. Pourtant, ils vont souvent ensemble chez les (T)HPI ;)

 

Générant une complexité, une émotivité qui se remarquent de l'extérieur, mais qui se vit également de l'intérieur, par les intéressées eux-mêmes, avec des hauts & des bas très prononcés & déstabilisants tant qu'ils n'apprennent pas à les gérer.

 

 

Un paradoxe qui étonne régulièrement les profanes : un surdoué n'est pas forcément un intellectuel au sens où beaucoup l'entendent.

 

S'il est une caricature tenace, répandue tant dans le monde francophone qu'anglophone, c'est d'accoler à la douance une image de petit rat de bibliothèque.
On retrouve cela jusque dans les choix de photos pour imager les articles & les livres sur ce thème : sauf à clairement s'opposer à cela, on a toutes les chances (si on peut dire...) de se retrouver avec un bébé binoclard tenant entre ses mains une énorme encyclopédie ou observant un tableau bardé de formules mathématiques :-|

 

Le paradoxe est ici plutôt de l'ordre de la conviction, ou de la mauvaise compréhension de ce qu'est le haut potentiel intellectuel. Car au fond, il n'y a rien de contradictoire : on peut tout à fait avoir un haut ou très haut QI & ne pas vivre le nez dans les bouquins.

 

La curiosité intellectuelle peut prendre tant de formes différentes, outre celle liées aux connaissances renfermées par les livres. Elle peut trouver racine dans la création musicale, artistique, spirituelle, sportive, etc. :up:

 

Les Tribulations d'un Petit Zèbre, le livre du blog !

 

Dans la droite ligne de cette croyance, les (T)HPI sont tout autant surprenants dans leur mode de pensée, c'est à dire dans leur manière d'envisager un problème qui leur est posé.

 

Leur fulgurance intellectuelle s'accompagne d'une pensée dite divergente, qui va spontanément emprunter des sentiers inattendus, très intuitifs, & produire des solutionnements à la fois créatifs & très concrets.

 

Cependant, ces chemins de traverse, ces idées non-conventionnelles ne sont pas toujours du goût des enseignants qui attendent un déroulé, une explication, que les (T)HPI ne peuvent pas toujours leur fournir.

 

L'idée a germé dans leur esprit, sans avoir à y réfléchir plus que cela. Et il est par conséquent très délicat pour eux de réussir à remonter le cheminement de cette pensée qui a jailli, tel un réflexe intellectuel.

 

On voit ainsi fréquemment chez les très jeunes EIP un instinct mathématique qui les autorise à manier les chiffres & les nombres à leur façon, avec des techniques estimées tortueuses, mais qui s'avèrent toujours exactes.

 

A ce propos, ils raffolent des petits choses comme ces méthodes originales de calcul que je partageais en 2011 sur le blog LOL

 

 

 

 

Autre paradoxe : celui qui consiste à faire le constat que non, toutes les personnes surefficientes, enfants ou adultes, n'ont pas (eu) un parcours éblouissant sur le plan scolaire ou/& professionnel.

 

Qui dit "surdoué" pense "réussite facile & évidente".
Encore sur Europe 1 la semaine dernière, une auditrice qui témoignait en direct dans l'émission soulignait que son fils, qu'elle décrivait comme certainement HPI, n'était pas "surdoué à l'école".

 

Le stéréotype du surdoué premier de la classe & hyper-scolaire a la peau dure. Or il y a des surdoués qui n'ont aucun attrait particulier pour les apprentissages scolaires (tout en pouvant réussir à l'école sans faire d'effort, du reste... Ne pas être fasciné par l'école n'est pas forcément synonyme de mauvais résultats, ou d'échec scolaire !), ce que je n'ai pas manqué de signaler à cette maman lorsque la parole m'a été donnée par le journaliste Thomas Thouroude.

 

Cela semble toujours hautement illogique & paradoxal, mais ce n'est en réalité qu'une évidence qui m'apparait banale & normale : il y a de tout parmi la population intellectuellement douée.

 

Certains font de brillantes études (avec ou sans conviction, n'est-ce pas), d'autres sont allergiques au système scolaire dans lequel ils sont sous-performants & ne rêvent que d'en sortir le plus vite possible. Certains occupent une haute position sociale (que ce soit en autodidacte ou de par des diplômes), d'autres sont ouvriers ou employés (avec ou sans bagages universitaires).

 

C'est bien simple : il n'y a strictement aucune règle :roll:

 

De la même manière que l'on retrouve de tout question sensibilités politiques (c'est d'actualité en France :dots: ), on trouve des surdoués de tous bords sexuels, de toutes philosophies de vie, des solitaires, des en recherche de compagnie, des célibataires endurcis, des parents.

 

La douance n'enferme aucun individu dans un cocon normatif :-?

 

Et heureusement !!! Chaque (T)HPI est avant tout une personne, unique, faite de son vécu, de son environnement, de ses expériences :round:

 

Qu'est ce qu'un paradoxe, sinon une vérité opposée aux préjugés du vulgaire.
[Diderot]

 

 


 

 

🚩 Pour aller au-delà du blog, de mon côté je suis l'auteure de ces trois livres...

 

Deux témoignages parus aux éditions Eyrolles :

- "Les Tribulations d'un Petit Zèbre. Épisodes de vie d'une famille à haut potentiel intellectuel", sur la douance ( = précocité intellectuelle, surdouement, zébritude, haut potentiel intellectuel, surefficience mentale ;) ). Le livre est préfacé par Arielle Adda & le Dr Gabriel Whal...

 

- "Asperger & fière de l'être. Voyage au cœur d'un autisme pas comme les autres", sur le syndrome d'Asperger & le combo Haut Potentiel / Asperger. Un regard unique en France sur les liens entre TSA & haut potentiel intellectuel ❤ Le livre est préfacé par le Dr Laurie-Anne Sapey-Triomphe & postfacé par le Pr Laurent Mottron...

 

          
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Et "L'Enfant atypique. Hyperactif, haut potentiel, Dys, Asperger… faire de sa différence une force", véritable livre-outil en quadrichromie :smile: Il remet l'humain au cœur de l'ouvrage, faisant fi des étiquettes & des petites cases...

 


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10 commentaires à “Tout & son contraire, ou comment résumer les paradoxes de la douance”

  1. Rachel JARRACHE dit :

    Bonjour Alexandra,

    je vous remercie pour cet article dont j’apprécie beaucoup le souci d’exhaustivité avec la force d’une écriture impliquée et limpide.
    je le conserve précieusement .
    Je vous remercie pour votre blog, tout votre travail de recherche et réflexion .

    Rachel

  2. lip dit :

    ma définition du surdoué est la suivante, une intelligence polymorphe (dont l’adaptivité fait forcément partie, je suis désolé) : intellectuelle+émotionnelle+industrieuse et motrice+créative et etre exploitée et non restée un potentiel…tout le reste n’est qu’argutie; cela concerne bien moins que les 2% annoncé par les psys au point que trés peu d’entre eux n’auront l’occasion d’en trouvé dans leurs patientels, ce qui à le mérite de vite regler le buzz par rapport à tout ça !

    salutations

    • mariemaman dit :

      ??????????????
      C’est dingue de lire une chose pareille !
      Heureusement que vous avez l’honnêteté d’écrire que c’est « votre définition » et pas « LA définition ».

    • Laurence dit :

      Mais on s’en fout de « VOTRE » définition ! à peu près autant que de celle de ma concierge ou de mon boucher ! à moins que vous n’ayez quelque compétence sur le sujet et des sources pour appuyer vos dires ? auquel cas n’hésitez pas à les citer…

  3. Zebreux dit :

    Bonjour
    Je me demandais si la gentillesse, La vraie, (la bonté ?) est un point commun aux hpi. :hearts:

    • zebreux dit :

      Bon, je me réponds a moi même…alors : on a des méchants cons, des gentils cons, des bêtes et méchants…est ce que les intelligents méchants existent ? Si on regarde l’Histoire, on ne peut pas qualifier la cruauté d’intelligence…je m’égare…

      • LOL j’adore le « Bon, je me réponds a moi même…alors » ;)
        Je veux bien répondre @zebreux :-D À mes yeux, la « bonté » (appelons ça ainsi) n’est pas un point commun aux (T)HPI. Je crois sincèrement qu’il y a des surdoués qui st de gros cons, méchants, mauvais, agressifs (& sans doute en grande souffrance… pour être ainsi :( ).

        Il y a de tout… que l’on ait un QI de 150 ou de 100, on trouve des gens extrêmement divers dans la population humaine.
        Il me semble même que la différence, lorsqu’elle fait souffrir (dans l’enfance par exemple) est source de méchanceté, de rancœur. Aussi, on voit possiblement un peu plus de personnes sans bcp de gentillesse parmi les (T)HPI. On perçoit qq fois une gde colère chez eux (chez certains bien sûr ! Une fois encore, chacun est différent :up: ). Mais tt ça pour dire que je ne crois pas, pour ma part, que le monde des HP soit particulièrement un monde de bisounours.

        Alexandra

  4. Fan dit :

    Tout d’abord, je tenais à vous remercier pour votre blog, particulièrement intéressant, fourni, documenté. Et pour vos articles, qui jamais ne tombent dans la facilité ou la généralité.
    Oui, vous vous y attendez, un commentaire commençant par « tout d’abord » suivi d’un ou plusieurs compliment(s), se poursuit invariablement par un (très attendu) « mais ».

    Et donc, je voudrais revenir sur cette phrase « Mais il ne faut pas confondre l’adaptation face à un challenge intellectuel […] et l’accommodement face à l’ennui profond dans la vie de tous les jours ». Bien entendu, je ne remets pas en cause l’importance d’accompagner tous les enfants, y compris ceux qui, de prime abord, semblent mieux lotis que d’autre, pour « réussir dans la vie et/ou scolairement », ni l’importance d’aider et de soutenir les adultes qui le nécessitent et/ou sont en demande. Là n’est pas mon propos.

    Mais (on y arrive :-P ) comment peut-on parler d’ « ennui profond dans la vie de tous les jours », lorsque l’on vit dans un monde tel que le nôtre ? Où il y a tant à voir, à admirer, tant à entreprendre, à créer, tant à tester, imaginer, rêver, tant à contempler. Dans un pays comme le nôtre, où l’accès à la moindre information se fait de plus en plus facilement (et permet d’ailleurs de développer son sens de l’analyse critique), où l’accès au savoir, à l’art est possible et (souvent) gratuit.

    Je reprends également cette phrase : « Quand on oppose cette idée d’adaptation à un enfant ou un adulte (T)HPI, on lui reproche en réalité de ne pas se contenter de ce qui convient parfaitement aux autres »
    Et après tout si dichotomie il y a entre « HP » et « les autres » ou encore ce terme si condescendant de « normo-pensant » (que vous n’utilisez d’ailleurs pas et je vous en remercie !!), n’existe-il pas malgré tout, des activités, une façon de faire convenant « aux autres », que les personnes HPI affectionnent, et inversement ?

    Il ne faut pas oublier que la vie n’est pas que contrainte administrative, ni routine harassante, qu’elle n’est pas que normes stupides, elle est aussi émotions intenses, émulation intellectuelle, plaisirs multiples.
    Tout dépend du point de vue que l’on porte sur elle… Et là est finalement l’adaptation ! … accessible à tout un chacun (moyennant parfois un accompagnement :) ).

    Ce ne sont que des remarques très personnelles et donc subjectives, mais souvent il me semble que l’on attend trop de la vie, des autres, (de l’école aussi :oops: ), et qu’on ne prend pas la mesure de tout ce qui nous est déjà offert !!

  5. Barbotinne dit :

    Merci Alexandra pour cet article dans lequel je reconnais bien mon fils de 12 ans 1/2.
    Je suis inscrute à votre newsletter/blog depuis plusieurs années maintenant et c’est toujours un plaisir de vous lire.

    En tant que parent « un peu perdu » (heureusement je me renseigne beaucoup et m’entoure de bons livres sur le sujet), il est toujours agréable de recevoir des réponses à nos (trop ?!) nombreuses questions.

    Notre fils est enfant unique et avec mon mari nous l’entourrons d’amour & de bienveillance.
    Nous essayons modestement de lui transmettre depuis sa venue sur Terre les bases, les valeurs de la Vie (avec un grand V !)
    Il est sérieux au collège (en 5ème) et a de très bonnes notes. Mais sans « forcer son talent »!
    Il est sociable et a des amis.

    Mais ce n’est pas toujours évident. Il y a des hauts et des bas comme vous le dites si bien.
    Il est capable du meilleur comme du pire !
    La période de l’adolescence n’aide pas ce petit HPI à gérer ses émotions, ses caprices, ses réactions,…

    Et nous, parents, tentons de faire au mieux, alternant « carotte & bâton » ! (attention, quand je parle de cette expresion c’est une image, nous ne le tapons pas !!)

    C’est toujours très réconfortant de lire des articles sur ce sujet et surtout de partager nos vécus.

    MERCI



:) :-D 8) :oops: :( :-o LOL :-| :-x :-P :-? :roll: :smile: more »

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