Codes implicites

On ne se rend pas toujours compte du décalage de son enfant HP par rapport à la norme, quand on est soi-même HP :-| C'est un fait.

 

Logique au fond, puisqu'on pose nécessairement un regard biaisé (par notre propre surdouement & par les techniques de compensation qu'on a pu développer, nous adultes, avec les années) sur une situation qui, à nous aussi, nous pose problème ou suscite le questionnement.

 

Mais quand la réalité vient s'imposer à nous, brute, sans plus aucun filtre ni intermédiaire, la prise de conscience est parfois violente. Ou comment se matérialisent, concrètement & sous nos yeux des concepts que l'on a pu lire ça & là sans vraiment y prêter attention à l'époque.

 

Les mots comptent bien sûr, mais ils auront toujours une valeur moins percutante qu'une démonstration. Rien de tel que de voir par soi-même pour intégrer la chose.

 

Il faut dire aussi qu'en tant que parents, on ne sait pas véritablement comment est son enfant à l'école. Comment se comporte-t-il en classe, face à son travail :?:

 

Les Tribulations d'un Petit Zèbre, le livre du blog !

 

 

Si on connait le résultats (les notes, les appréciations des enseignants), on sait finalement assez peu de choses sur la vie d'élève au quotidien de notre chère tête blonde.

 

La psychologue clinicienne Jeanne Siaud-Facchin fait très souvent référence, que ce soit dans ses livres comme au cours de ses interviews, aux codes implicites, si difficiles à interpréter comme il se doit pour les enfants intellectuellement précoces, à l'école notamment.
Ces implicites qui coulent de source pour la plupart des gens... & sont source d'incompréhension & de véritable angoisse chez les surdoués (comme chez les Aspies du reste !  Cela fait partie des points communs que comptent les profils HQI simple / HQI Aspie / Aspie simple)

 

À l’école les implicites sont nombreux et permettent à l’élève de comprendre et d’anticiper sur ce qu’on lui demande de faire. Par exemple, l’élève sait que lorsque l’enseignant pose une question sur un sujet de cours, il doit y répondre en restituant les connaissances supposées acquises grâce au cours du professeur.
[...] L’enfant surdoué ne partage pas les mêmes implicites. Son mode de pensée, sa compréhension du monde, son analyse de l’environnement diffèrent de l’élève classique. On peut ainsi avoir l’impression que l’enfant ne comprend pas ce qu’on lui demande, ou qu’il ne sait pas ou encore qu’il répond à côté ou fait exactement l’inverse de la consigne. Cet enfant a seulement compris différemment et répond selon sa compréhension personnelle.

Jeanne Siaud-Facchin, extrait de "TROUBLE DES APPRENTISSAGES SCOLAIRES ET ENFANTS SURDOUÉS ?", revue A.N.A.E n° 81 de mars 2005

 

 

Ainsi hier, j'ai pu me rendre compte de la chose, de manière très concrète :hypno:

 

Je vous raconte : ça commence par un accident de voiture... (sympa non ?! :smile: )
Hier donc, alors que je venais de déposer le zébrillon à l'école, paf, une nouvelle conductrice voulant faire faire du zèle est venue s'écraser contre ma voiture (qu'elle a bousillé... soit dit en passant ! :-x ). Après les formalités d'usage (constat, déclaration à l'assurance, appel de la dépanneuse pour rapatrier l'épave qui fut une super chouette voiture avant qu'elle ne rencontre une jeune affolée), je suis allée récupérer mon loustic à l'école (qui était à 2 pas), car sans voiture, je n'aurais pas pu aller le chercher à 16.30 comme prévu initialement.

 

Nous rentrons donc tous les 2 à la maison, en dépaneuse :!:   Une fois le déjeuner passé & moi remise de mes émotions, je lui propose (fermement :-D ) de se mettre au travail & de faire des fiches que sa maîtresse m'avait transmises. Il s'y atèle, pendant que je passe des coups de fil un peu partout pour m'organiser & m'excuser des bouleversements de planning occasionnés par cet accident.

 

Sa feuille d'exercices finie, il me la tend, pour correction. La consigne était :

 

Ecris en lettres les nombres suivants :

354 ________ ;  99 ________ ;  702 ________ ;  125 ________ ;  etc..

 

 

Je balaye rapidement les réponses du regard, perdue dans mes pensées & essayant de relativiser mes problèmes de voiture accidentée, quand ses réponses - toutes fausses - me sortent de ma torpeur.
Je ne comprends pas sur le coup, dubitative, je me demande pourquoi tout est raté de A à Z !? 8-O

 

Voici ce que je lis :

 

354 trois cent-cinquante-cinq ;  99 cent ;  702 sept cent-trois ;  125 cent-vingt-six ;  etc..

 

 

Le zebrounet sait très bien faire ce type d'exercices, ça ne lui pose normalement absolument aucun souci... & pourtant, tout est faux. Ayant du mal à émerger, je lui demande s'il a bien lu & compris la consigne, en mon fort intérieur très étonnée par ces "erreurs" que je ne m'explique pas sur l'instant, trop préoccupée pour comprendre ce qu'il a fait. Il me répond que oui, il a bien lu & bien compris.

 

Bien sûr qu'il a bien lu & bien compris. La question était absurde, je la regrette aussitôt qu'elle est sortie de ma bouche car je réalise alors quelle a été son interprétation de la consigne :-o

 

Il a bel & bien écrit, en lettres, les nombres suivants :-?  Mais pas dans le sens attendu par son instit...

Lui a d'emblée compris l'exercice de manière à y apporter une touche de difficulté, une action de réflexion, & pas bêtement une simple opération de transcription des nombres en lettres. Il a ainsi donné au mot "suivants" une dimension additionnelle.

 

Quand je lui ai expliqué que ce n'était pas, en fait, ce qui était attendu de lui dans cet exercice & que les réponses à donner étaient beaucoup simples, il a hésité entre moquerie (d'un exercice aussi idiot, sans réel intérêt à ses yeux) & déception (de ne pas avoir saisi de quoi il était question).

 

J'ai aussitôt repensé à son institutrice / directrice d'école de l'an passé (lorsqu'il était en grande section, puisqu'il est cette année en CE1, ayant sauté le CP) qui m'avait dit un jour à la sortie des classes, d'un air pincé : "Il est compliqué tout de même votre fils".

 

Je peux comprendre les raisons de cette impression, il donne sans doute l'image d'un enfant déroutant. Les repères habituels sont brouillés, ce qui peut être perturbant pour un adulte non-habitué.
En étant confrontée à sa réaction face à un exercice que tout élève dans la norme aurait fait sans problème (& sans aller chercher plus de complication qu'il n'en fallait), j'ai alors pu ressentir & comprendre la perte de moyens des enseignants quand ils se retrouvent avec un petit zèbre dans leur classe, sans jamais y avoir été préparés.

 

Ceci dit, la peine à correctement interpréter les implicites n'est pas non plus un handicap majeur ni même une difficulté insurmontable !
De la même manière, & en lien avec l'article de J. Siaud-Faccin dont je cite un extrait, les enfants surdoués ne sont pas tous en échec scolaire & la gêne occasionnée est gérable. Il n'y a aucune fatalité !!! Qu'on se le dise :hearts:

 

En faisant un effort, on apprend avec le temps à décoder ces fameux implicites & à "deviner" ce qui est attendu de nous.
Je crois qu'il ne faut pas non plus tomber dans le stéréotype absolu de l'élève "cancre par ce que surdoué" & donc "si intelligent que perdu face à toutes les consignes" qui me semble, comme toutes les caricatures, beaucoup trop tranché pour être exact.

 

Un EIP, tout en se heurtant effectivement parfois à des malentendus du genre de cet exercice, dispose (ne l'oublions pas 8) ) d'une vélocité intellectuelle qui lui permet les 3/4 du temps de réussir facilement, là où les autres peineront à briller !

 

 

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12 commentaires à “Codes implicites”

  1. SUZIE dit :

    Ah, les fameux implicites scolaires. Pff, il nous en a fallu du temps pour comprendre pourquoi notre fils qui savait très bien faire les additions en colonnes, restait bloqué devant les additions en ligne : il avait compris qu’il fallait connaître le résultat sans compter ! Il vient juste de réaliser à quoi sert une « autodictée » : ah, c’est pour l’orthographe… Ben oui… Il pensait qu’il suffisait de connaître le texte par coeur… Du coup, à chaque exercice, je reformule l’énoncé pour être sûre qu’il ait compris… Et avec le temps, tout vient parce que, en CM1, aujourd’hui, il commence à comprendre ce que l’on attend de lui et à se conformer aux attentes scolaires même si, parfois, il trouve cela stupide.

  2. Fabrice dit :

    Je viens de faire faire le test à Alexis. Il a répondu exactement comme ton gamin. C’était bien drôle.

  3. Zébrette de Pas-Sage dit :

    Héhé, ça m’a bien fait marrer, l’interprétation que ton petit zèbre a faite de la consigne … C’était très logique !! Finalement plus que ce que l’enseignante en attendait …
    Je suis moi-même enseignante, et je me bats contre ces implicites. Disons que, quand je donne une consigne de travail à ma classe, j’essaie de faire en sorte qu’il n’y en ait pas ! Du coup, je travaille un peu mes consignes, je la relis, je vérifie bien tout pour qu’il n’y ait pas de « trou » dans lequel un élève (Z ou pas) pourrait se casser la figure … C’est une vrai gym cérébrale. Le corollaire, c’est que parfois je me retrouve avec des consignes très longues loooool tellement j’ai peur de rater des trucs…
    XD
    Ma fille de 5 ans et demi, en grande section, n’a apparemment pas encore rencontré ce genre de problème à l’école. C’est à la maison qu’elle a des réflexions de ce genre-là.Très logiques. Il faudrait que je les note. Quand elle m’en sort une, je rebondis dessus, et du coup on discute beaucoup ! Souvent c’est en écoutant les infos, elle me demande des précisions : « ça veut dire quoi, ça ? ». Pas toujours facile de répondre, mais j’essaie. Je le lui dis, aussi, quand je ne sais pas ou que je n’ai pas la tête à ça !!

  4. pebocq dit :

    j’ai eu exactement la même expérience sur un exercice de cahier de maths avec le mien ! Même type d’exercice. Il me fait le même genre de réponse.
    Je commence par lui dire que c’est débile comme réponse et tout en parlant et lui demandant s’il a bien lu la consigne, je la relis à voix haute et explose de rire (nerveux)…
    Bien sûr les nombres « suivants »…. Et il était plus compliqué de lui expliquer pourquoi c’était écrit « suivant » puisque bien évidemment, les nombres suivants, c’était plus logique pour chaque nombre d’écrire celui qui suit celui qui est écrit. C’est d’une évidence… Mais qui nous est masqué quand on a été « formaté » par le fonctionnement scolaire, où il est à chaque fois écrit « suivant ».

  5. fannetteworld dit :

    Ah et les questions de lecture… celles où la réponse est dans le texte… Je le sais maintenant à tous les coups où presque : mon plus jeune fils répond autre chose : c’est tout de même pas possible que ce soit « juste ça » la réponse : le truc qui est écrit et qu’il faut bêtement recopier…………

  6. Marie dit :

    Ceci dit, en tant qu’institutrice, si l’enfant sait m’expliquer son raisonnement ou si je le comprends (comme ici, en lisant les réponses de l’enfant, j’avais compris directement sa démarche intellectuelle), je considère la réponse comme juste. Le but de l’exercice est atteint de toute façon, et c’est cela qui est essentiel au final.
    L’institutrice a, selon ma vison professionnelle, le devoir d’avoir une ouverture d’esprit et elle doit surtout pouvoir prendre en compte la diversité des enfants. Faibles ou forts, chacun doit pouvoir trouver sa place dans le groupe classe.

  7. Juliette dit :

    Et encore, en tant que adulte hpi récemment testée et donc ignorée des autres et de moi même (et même si j’ai pu passer le cap des implicites scolaires et pousser mes études assez loin), dans le monde professionnel, je commence à comprendre pourquoi je me heurte à des incompréhensions avec les collègues, ce qui peut amener même à des tensions. Donc si je comprends bien c’est à moi de m’adapter car il sera difficile de leur demander de faire cet effort avec moi dans la mesure où il semble difficile d’afficher haut et fort que je suis hpi…..
    Pour mes enfants, je vais être donc vigilante. Ceci dit, les commentaires des institutrices est intéressant. Dans leurs cas, avaient elles identifié explicitement qu’elles avaient affaire à des enfants hpi ?

  8. stéphanie dit :

    La lecture de ce billet me fait remonter un vieux souvenir enfoui. J’étais en CE1 et une maîtresse remplaçante nous a fait faire une exercice de logique, résoudre un problème en argumentant sa réponse (je ne sais plus trop depuis le temps…). Toujours est-il que ma réponse était juste mais que mon raisonnement logique était différent et que j’ai été punie… oui oui… punie. L’injustice. Je l’avais enfoui ce souvenir mais il m’est revenu aujourd’hui.
    Je me souviens m’être promis de rester dans le moule comme les autres ce jour.
    Mon fils ainé de 7 ans passe le test QI d’ici deux mois suite à de très forts soupçons et finalement, je me pose la question également pour mon compte. Cela éclairerait tellement de choses sur mes difficultés passées et mes choix de vie… même si mon comportement très normé était aux antipodes de mon fiston.
    Ce qui m’amène à une question: le test de QI est-il utile à 40 ans passé? hormis donner un éclairage sur le passé, quelle finalité peut-il avoir si l’on est inséré socialement et affectivement stable?

  9. Lucy dit :

    Ce billet sur les implicites, tout parent de HP doit avoir plein d’anecdotes.
    Les miennes:
    – mon aîné en 5ème l’anné dernière, je l’entends pester sur un problème de maths. Au bout de 10 minutes, je vais le voir (je lui ai expliqué que je lui laisserai toujours le temps pour lui donner une chance de trouver par lui-même). Je l’entends encore pester: « Ce ne peut pas être aussi facile, ce ne peut pas être aussi facile… » Effectivement, c’était très facile! Je lui ai expliqué qu’au collège, les professeurs ne lui demandaient pas d’inventer l’eau chaude. Et j’ai dû lui expliquer cette expression! :-)
    – toujours mon aîné, zéro à un exercice de physique. J’inspecte. Il a écrit « poisson », « arbre », « tortue »,… quand l’énoncé demandait de les dessiner. Explication du loulou: « Je ne sais pas dessiner! ». Je lui ai expliqué que, sauf en art plastique, aucun prof ne se vexerait qu’il dessine comme un cochon. Qu’il fallait qu’il applique la consigne et que la consigne. Mais je lui ai payé un petit stage de dessin de 6 heures chez une copine à qui j’ai expliqué son cas pour qu’il prenne confiance en lui car j’ai bien imaginé que des schémas et des dessins, il aurait à en faire pendant toute sa scolarité. Cette année, il vient de me dire qu’il a fait un super dessin et que même la prof d’art plastique l’avait félicité!

    Une anecdote de mon 2ème qui rejoint l’anecdote du Zébrillon.
    Les « zotres » se sont exclamés un jour: « Mais tu as vécu dans le passé pour savoir tout cela?!!! »
    Un autre de surenchérir « Mais tu as aussi vécu dans le futur pour savoir tout cela! »

  10. Moi dit :

    Bonjour. Je ne sais pas encore avec certitude si je suis HP (pas encore testée), mais je connais bien ce « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? ».
    L’exemple le plus flagrant que j’ai sur ce point remonte à l’école primaire. Nous avons tous connu ces problèmes du type : « Sophie achète trois pommes pour un total de 5€, elle donne un billet de 10€, combien le marchand lui rend-il ? ». À l’époque, je ratais systématiquement ces exercices, alors que j’étais capable depuis bien longtemps de résoudre des soustractions bien plus complexes que cela ! Mais je n’avais pas compris qu’il fallait simplement calculer la différence entre la somme donnée et la somme demandée. Pour moi, il existait un « code », et la somme rendue, ainsi que la somme donnée, étaient fixées par ce code. Finalement, fatiguée de rater ces exercices que tout le monde autour de moi semblait réussir facilement (alors que j’étais, par ailleurs, très bonne en maths), j’ai demandé à ma mère comment elle savait quelle somme elle devait donner, et quelle somme on devait lui rendre, et elle m’a expliqué (sans oublier de me dire que j’étais décidément très bête). J’ai trouvé ça vraiment très (trop ?) simple, mais n’ai plus jamais échoué à ce type d’exercice.

  11. Marie dit :

    Mon garçon de 7 et demi ce1 avait un problème à résoudre
    Sonia a dévoré 2 cookies et 6 sablés. Combien de gâteaux a t elle manges en tout ?
    Réponse : 0
    Pourquoi : si elle a tout mangé il lui reste zéro gâteau
    C est un excellent éleve mais il a beaucoup de mal avec les consignes tout est compris au premier degré
    Et le coup des nombres suivants j y est droit tout les jours il faut reformuler la consigne teste enfant précoce avec un raisonnement compliqué vos témoignages m encourage pour l aider
    Merci encore