La sociologie face aux neurosciences : l’enfant au cœur d’une bataille de disciplines (France Culture, septembre 2017)

Je partage ce matin un article fort intéressant publié du côté de France Culture :up:

 

"La sociologie face aux neurosciences : l’enfant au cœur d’une bataille de disciplines", signé Chloé Leprince :)

 

Article de presse qui, mêlé à des podcasts audio, revient en détails sur l'apport des neurosciences dans le monde de l'éducation :!:

 

Avec notamment une impulsion toute nouvelle donnée par le ministre de l'Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer qui a, en cette rentrée 2017, été à l'origine d'une drôle de polémique en préconisant le retour à la méthode syllabique. Pointant du doigt les défauts des méthodes semi-globale (aussi qualifiée de mixte) & globale.

 

Contre l'universalisation hors-sol, une sociologie critique entend penser les inégalités et les classes sociales qui percutent l'enfant dès le plus jeune âge.

Voilà plusieurs décennies que les neurosciences nous racontent comment notre cerveau fonctionne tous azimuts. Le nôtre, et aussi celui de nos enfants. Parmi d’autres, certains travaux font le pari de distinguer comment l’enfant apprend à l’école. Jusqu’à présent, les enseignements issus de ces recherches n’irriguaient guère la formation des enseignants, qu’on parle de formation initiale, ou continue. Ça devrait changer, à en croire plusieurs déclarations de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale depuis le mois de mai.

Le nouveau ministre le dit sans ambages : il compte s’appuyer sur les neurosciences pour “révolutionner l’école”. Une semaine après sa nomination, Jean-Michel Blanquer annonçait par exemple dans Le Point :

On en sait aujourd'hui beaucoup plus sur le cerveau, et il serait aberrant de se priver de ce nouveau champ de connaissances.

Subversif ? Voire : si l’Education nationale ne s’est pas précipitée pour incrémenter les recherches successives en la matière, les neurosciences sont aujourd’hui extrêmement populaires auprès d’un large public. Céline Alvarez, l’ex-professeure des écoles qui fait un tabac avec son livre Les lois naturelles de l’enfant, paru l’an dernier, revendique d’amender par les neurosciences des pédagogies alternatives comme Montessori.

La jeune auteure de ce qui est devenu un bestseller était l'invitée des "Discussions du soir" avec Leili Anvar le 1er février 2017 :

 

Une révolution dans l’éducation ? (France Culture, février 2017)

 

 

Objectiver l'enfance

Alvarez a claqué la porte de l’Education nationale après une expérience pilote de trois années en maternelle à Gennevilliers, dans une école défavorisée des Hauts-de-Seine. Elle dénonce depuis l’autisme de l’institution scolaire sourde aux neurosciences, multiplie conférences et séances de dédicaces et revendique, elle aussi, de changer l’école… de l’extérieur.

Pour Céline Alvarez, enseigner est moins un “art” qu’une “science”. Comprenez : il y aurait urgence à objectiver l’enseignement. Sauf que cette approche implique de naturaliser l’enfant, comme si tout élève faisait, par essence, une expérience universelle en découvrant l’apprentissage.

Le 12 décembre 2013, Stanislas Dehaene, neuroscientifique, Professeur au Collège de France et dont les travaux ont nourri Céline Alvarez, expliquait ses travaux dans “La Grande table” :

 

La Grande table (1ère partie) (France Culture, décembre 2013)

 

 

 

La Grande table (12ème partie) (France Culture, décembre 2013)

 

 

Les neurosciences montrent par exemple que l'enfant est particulièrement doué pour l'apprentissage des langues. Le même Stanislas Dehaene, invité des Chemins de la philosophie ce lundi 4 septembre à l'occasion de la rentrée, racontait comment un "algorithme d'apprentissage extrêmement puissant" est à l’œuvre dans le cerveau d'un enfant "particulièrement dans les très jeunes années, avant de commencer à baisser à la puberté" :

 

Pour une autre école : des sciences cognitives à la salle de classe (France Culture, septembre 2017)

 

 

Un algorithme en guise de cerveau ? C'est ce qui conditionne l'apprentissage des langues, explique le neuroscientifique qui raconte comment le très jeune enfant est en capacité de retenir certains mots en les entendant à peine une poignée de fois.

Comparé à une machine, le cerveau d'un enfant est "extraordinairement plus efficace" : il aura besoin d'un nombre de stimulations (le nombre de fois où on convoque ce mot pour qui l'intègre) infiniment moins nombreuses qu'une machine à qui on confierait le même apprentissage, détaille Stanislas Dehaene, qui précise que ce même algorithme continue à tourner la nuit, dans le cerveau de l'enfant... jusqu'à "trois fois plus efficacement que dans un cerveau adulte".

Certains acquis, comme les nuances de la langue chinoise, ne seraient même carrément possibles qu'en tout début de vie :

Certains circuits, comme celui de l'écoute du langage, se figent très précocément. Si vous n'êtes pas exposé dans les premières années de vie aux sons du chinois, par exemple, et aux tons montants et descendants utilisés en chinois, pour que votre cerveau les enregistre. Après, vous ne les entendez plus : on est tout simplement sourd à certains paramètres. De la même manière, les Japonais sont sourds à la distinction entre un L et un R. Pour eux, c'est la même chose.

En objectivant ainsi le parcours d’un enfant dont on souligne les compétences bien spécifiques, les chercheurs en font certes un sujet, mais un sujet dépolitisé, qui n’est plus pris dans un faisceau de chances (ou de malchances) et d’inégalités, mais dans une combinaison d’alchimies cérébrales partagée par tous ses congénères. C'est "l'Enfant", indéterminé, qui prime.

Bébéologie en apesanteur

En fait, la question des inégalités dans l’enfance se révèle très difficile à penser depuis plusieurs décennies. La lame de fond des neurosciences arrive alors qu’une autre tendance, portée par le modèle anglo-saxon des “childhood studies” et baptisée “sociologie de l’enfance” a beaucoup contribué à dépolitiser l’enfance. Pour le plus jeune âge, émergeait en parallèle une forme de “bébéologie” qui fait le pari que le bébé fait un certain nombre d’apprentissages immuables, sans regarder l’empreinte des disparités sur son évolution. Cette “bébéologie” va aujourd’hui largement puiser dans les neurosciences.

Dès l’apparition des premiers travaux imprégnés des “childhood studies”, débarqués en France un peu avant les années 2000 et d’essence plus anthropologique, des sociologues ont dénoncé le fait qu’en privilégiant la vision d’une trajectoire qui serait inscrite dans le cerveau, programmée, l’enfant finit par apparaître hors-sol.

 

 

POUR LIRE la SUITE :arrow: c'est ici !

 

 

:idea: le livre dont il est question dans ce long article : "Les lois naturelles de l'enfant" de Céline Alvarez, paru aux éditions Les Arènes ;)

 


Cliquez sur la couverture pour ouvrir les
détails des "Lois naturelles de l'enfant"

 

 

Ainsi que ce livre, très intéressant : "Apprendre à lire. Des sciences cognitives à la salle de classe" de Stanislas Dehaene, paru aux éditions Odile Jacob

 


Cliquez sur la couverture pour ouvrir
les détails de "Apprendre à lire"

 

 


 

 

Les Tribulations d'un Petit Zèbre, le livre du blog !

 

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1 commentaire à “La sociologie face aux neurosciences : l’enfant au cœur d’une bataille de disciplines (France Culture, septembre 2017)”

  1. marie dit :

    Ce qui m’agace chez Céline Alvarez ce ne sont pas les outils pédagogiques qu’elle développe car un enseignant est toujours à l’affût de ce genre de chose, mais la mise en scène de son histoire…On a voulu nous faire croire qu’elle avait été victime d’un système sclérosé, incapable d’identifier la pertinence de sa pédagogie ce qui par conséquent l’avait conduite à démissionner faute de reconnaissance. De qui se moque t-on?
    Avant d’être ministre Mr Blanquer occupait un poste important au ministère de l’Education nationale. Mr Blanquer autorise une expérimentation, mr Dehaenne apporte (neuro-sciences et sciences cognitives), Céline Alvarez remixe Montessori augmenté par les neuro-sciences et sciences cognitives et l’institut Montaigne finance le projet. Mme Alvarez n’avait pas pour vocation de s’éterniser dans un poste de professeur des écoles; Nos trois amis voulaient juste démontrer que cette nouvelle pédagogie était performante et le système complètement nul.

    Comment ? En transformant Céline Alvarez en victime d’un système incapable de s’adapter à ses façons de faire, incapable de reconnaître une pédagogie innovante ce qui finalement la conduit à démissionner de l’éducation nationale.
    Ce FAUX sacrifice de cette révolutionnaire sur l’autel de l’EDUCATION NATIONALE, grâce à internet, aux médias la transforment en icône, en passionaria d’une pédagogie innovante qui va accroître les performances de nos enfants!
    Pourquoi une telle mise en scène? il fallait créer un buzz médiatique pour être reconnu:
    – regardez, voilà une enseignante extraordinaire qui démissionne de l’éducation nationale … au lecteur de déduire la suite

    – regardez ses vidéos: les enfants savent lire très tôt, maîtrisent les 4 opérations dans la bonne humeur, tout est réussi….au lecteur de déduire la suite
    Malheureusement nous n’avons pas pu évaluer les élèves pour comparer avec d’autres classes la faute à l’education nationale pourtant si friande d’évaluations.

    -regardez, enseigner c’est facile! Les atsems peuvent le faire, les parents aussi puisqu’il suffit de montrer pour être imité par un enfant. il choisit un jeu, je lui montre comment il fonctionne, il imite et s’il se trompe, on corrige…Au lecteur de déduire (a t-on besoin d’enseignants en maternelle?)

    Aujourd’hui, Blanquer est Ministre, Dehaene est conseiller et Mme Alvarez continue à propager la bonne parole tout en gagnant bien sa vie.

    Alors quelles sont » les lois naturelles du ministre » que sont en train d’écrire Mr Blanquer, Dehaene et Alvarez?

    -étendre la pédagogie Montessori en maternelle, c’est en marche
    -former des atsems pour accompagner les élèves, c’est en marche aussi grâce aux convertis
    -informatiser le suivi individuel des enfants régulé par des atsems (payées des clopinettes).

    Elle n’est pas belle la vie!
    L’échec du modèle scolaire traditionnel
    40% des enfants sortent du CM2 avec des difficultés tellement importantes qu’ils ne pourront pas suivre une scolarité normale au collège, soit 300 000 enfants « sacrifiés » chaque année.
    L’être humain est un être d’apprentissage : on est câblé pour apprendre constamment comme on respire et pour aimer l’autre.
    Céline Alvarez explique qu’on a les outils scientifiques pour repenser l’école et pour mesurer les résultats des applications pédagogiques. Le simple fait de respecter les lois de la nature retire ce qui entrave et soutient ce qui fonctionne.
    Notre seul rôle a été de permettre que la nature fasse son travail. – Céline Alvarez



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